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Francesca Woodman


Derrière. Un mur sale. Dégoûtant. Des morceaux entiers se décollent. Il est arraché, fini, décrépi.

Des hommes l’ont trop de fois frôlé, chaque passage l’a rendu plus esquinté.

C’est un malmené.

On se reposait sur lui, une fois la soirée entamée.

On lui renversait son verre, parfois sa bouteille.

Ces hommes, sont des ivrognes. Des barjots, saouls.

Lui, se tenait droit, en toute circonstance. Il se montrait fier, malgré ses légères ondulations qui se formaient au contact du liquide.

On lui a versé de l’alcool, partout, aucune de ses parties n’a pu échapper à la boisson.

Il a beau avoir bu, il n’a jamais aimé.

Pour prouver son mécontentement, il se laisse mourir.

Il a d’abord jauni, lui d’origine si blanche, il a pris des rides en carton, il est devenu sec et irritant. Puis, il est parti en lambeaux.

Ce qui faisait partie de lui, est désormais sur le sol. Des éclatements, rien que ça.

Le parquet n’a jamais brillé. On lui a toujours marché dessus. Les propriétaires ne sont pas adeptes de l’eau de javel : la propreté les rend anxieux.

Le sol est parsemé de détritus en tout genre : beaucoup de mégots l’encombrent. Le bois sent mauvais, il pue.

La femme s’accroche encore une fois au mur, comme s’il avait les bras pour la soutenir.

Elle porte une robe à pois, ce matin.

Hier soir aussi, elle portait la robe à pois. Elle était encore fraîche, elle avait décidé d’arrêter le whisky. Elle n’avalerait plus une goutte, la bouteille resterait loin. Elle l’avait juré, puis avait craché sur le sol.

Les hommes avaient ri. Ils savent. Ils savent qu’elle oublie. Elle oublie tout ce qu’elle promet, et personne ne tient à lui rappeler.

Elle était belle, avec cette robe, celle-ci masquait et son cou et ses pieds. On aurait dit qu’elle était prude, polie, bien éduquée. Comme quoi, l’apparence fout les jetons. L’apparence ment.

Tous les soirs, elle boit, elle boit trop. Comme un trou.

Les hommes l’encouragent dans sa débauche. Ils l’aiment décadente. Certains la déshabillent, certains soirs elle se laisse faire. D’autres soirs, elle se débat.

Le soir dernier, ils se sont précipités sur elle, elle se tenait déjà accroupie un verre à la main. Le liquide dégoulinait à terre, il collerait sûrement aux godasses.

Elle, n’a pas bougé d’un poil. Elle n’a pas réalisé qu’ils fonçaient sur elle.

L’un deux, s’est agenouillé et dans un geste brute, il a tiré sur la fermeture éclair. Elle était bousillée. Il la tenait entre les mains, comme il était idiot, il n’a pas réagi.

Elle, n’a pas crié. Elle aimait tant cette robe, maintenant tout était gâché.

Alors, pour faire le deuil de la robe, celle de la boutique rue de Rennes, elle a juré qu’elle resterait dans cette position à jamais. Si on ose la déloger, elle hurlera au loin.

Il était six heure du matin, elle était statique.

Presque de profil, elle suçait son pouce, habillait de son bras sa poitrine, et regardait d’un œil brave ces autres.

Cela faisait bientôt deux heures, qu’elle se tenait le dos courbé, comme retenue par le mur. Elle souffrait peut-être de courbatures. Elle n’avait pas cligné, pas sourcillé, pas une seule fois.

Elle était là, contre le mur. Elle finissait de l’abattre. S’il s’écroule, elle tombe aussi.

Pourquoi ? J'ai écrit ce texte parce que j'ai vu cette photo. Elle bouscule, n'est-ce pas ?

Crédit photo : Francesca Woodman - autoportrait

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