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Se faire des films


Aujourd'hui, j'ai failli mourir.

Il y avait des flics partout. Le genre qui ne dépose pas un procès-verbal sur le carreau d’une auto. Le genre qui sauve des gens. Des vrais gens. Avec des bras et des jambes.

Ces policiers avaient des armes, comme si ça sortait tout droit d'Hollywood. Les studios, quoi.

J'étais pas dans un film, j'étais plantée dans ma vie. Comme ça à Paris sans embûche, ni bûche de bois, ça se comprend, c'est un milieu urbain.

Accoudée au bureau, je glanais le drame, enfin c'est ce que je dis.

Le stylo au bec, j'attendais le soleil qui viendrait me cogner le front et faire frétiller mes sourcils.

Sagement, je ne vaquais pas à mes occupations, aussi légères soient-elles. J'attrapais l'ennui du bout des doigts pour qu'il m'emmène. Où, je ne vous donnerai pas la réponse, c'est de l'ordre du privé, classé confidentiel, aux oubliettes.

Des hurlements plus tard, je sursaute. J'ai tiqué, ça devait faire une demi-heure que ça s'agitait sous la fenêtre. Pas perturbée pour un sous, je penche la tête dehors, histoire de voir. Un coup d'œil ne suffit pas.

Je me balance trois-quatre fois dans un mouvement irréfléchi, comme si j'avais pris le temps de réfléchir avant. Je m'oriente à droite puis à gauche, ce qui se passe ne me plaît guère. Ça sent la poudre à canon. Je flaire l'explosion qui se remet en question.

Mon premier réflexe : avoir peur.

Je reprends mes esprits, ok, je vais mourir, mais autant que je sois informée de ce qui va causer ma fin.

Frappée par un éclair de génie, j'appelle l'opticien d'en face celui qui se trouve "vue sur la rue". C'est drôle, il ne me voit pas. Il ne sait pas que je l'observe depuis mon refuge. Je ne le traque pas pour autant, calmez vos ardeurs.

Je lui dis que je suis une voisine, que j'habite dans l'immeuble d'en face, que je n'y comprends rien à rien.

« Il se passe quoi bon sang de bonsoir ? Moi je commence à m'imaginer des histoires à pas dormir après 4 heure du matin. »

Il me répond, comme s'il avait répété ça toute sa vie : « Je vous assure, c'est un colis suspect. Il est sur le trottoir juste devant l'église Saint Antoine. Restez chez vous. »

Ni une ni deux, je percute. L'église est collée à moi, collée à mon immeuble. Vous saisissez ? Je vais crever s'il s'agit d'une bombe. Si l’immeuble d’à côté part en trombe, je tombe avec. La dégringolade.

Dans ma folie dramatique, je décide de rendre tout le monde dingue. Je prends le combiné et j'assène des coups de tonnerre :

"Salut, ça va. Écoute je ne vais pas tarder à être hachée comme un steak. On ne me mangera pas, on fera une autopsie avec mon corps. Pourquoi ? Parce qu'il y a des terroristes qui ont abandonné une valise. Un colis suspect, oui c'est ça le terme, exactement. Tu connais bien la terminologie, dis-moi tu ne serais pas un peu terroriste ? "

Après tous ces appels, j'étais épuisée. J'ai raccroché, prête à m'offrir en victime. J'ai regardé la rue, la circulation avait repris. Tout allait bien.

On allait survivre.

On allait survivre à ma paranoïa.

Crédit photo : weedist.com - Fumez de la Marie-Jeanne, fumez encore. Devenez paranoiaque.

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