Avoir 20 ans, avoir 24 ans, ça rime.
Hier j'avais 20 ans, aujourd'hui j'en ai 24, et bientôt 9 mois.
Même à 24 ans, célébrer son anniversaire du mois c'est important, tout est prétexte pour souffler des bougies. Ce que je préfère dans ce cérémonial en puissance, c'est éteindre le feu, celui des bougies qui scintillent quand le lustre est éteint, que les portables s'agitent, que l'air est brassé par les corps prêts à s'affairer sur le gâteau au chocolat, acheté à la dernière minute à la boulangerie d'en face.
La boulangère s'appelle Lola. Elle est brune, son sourire est courtois, jovial et voyageur. Quand elle parle, elle écarquille les yeux, tout son corps s'ouvre. Voici ce que l'on appelle un détail inutile.
Vous l'imaginez, il est resplendissant, il est parsemé de pépites de chocolat. Le gâteau. Il est noir, tout de noir vêtu. Le chocolat. Pas de crème, juste une mousse, montée en neige, les noisettes sont affalées, bien visibles des grignoteurs de la première heure. J'en fais partie. En ma présence, un gâteau n'atteint jamais cette forme de perfection intacte, mon index a laissé des traces de vie. Il est passé par là.
Tout ça pour dire : ce que j'aime par-dessus tout, ce qui n'altèrera en rien mon sourire, c'est de jouer les pompiers en un souffle. Il n'est jamais magistral, jamais unique. Il est répétitif, peu ciblé, il est dans la lune. Mon souffle.
Je ne me concentre pas, je suis comme absente, je fais un vœu. En fait j'en fais plusieurs, des tas. Jusqu'à ce que les bougies n'aient plus de lumière, que la lumière murale soit rétablie.
J'imagine alors un génie, qui sortirait du sèche-cheveux, la lampe à huile d'aujourd'hui, je le sens bien, le sèche-cheveux. Il surgirait, en fredonnant les paroles de Carla Bruni, "c'est quelqu'un qui m'a dit". On pourrait croire à des murmures, pourtant il est du genre à articuler, il est précoce pour un génie. Il libérerait une chaleur confortable, il dissiperait le bruit, ce son qui gigote telle une mouche qui papillonne.
Je serais silencieuse, jusqu'à gagner 1,2,3 roi du silence. Il laisserait échapper une inspiration, puis une expiration, puis il dirait : "j'étais prof de yoga avant".
Rire ne serait pas approprié, je n'oserais donc pas laisser mes dents à découvert. Il se présente, il s'appelle Henri, je ne sais pas pourquoi il dirait : « j'ai envie de réussir ma vie », puis il enchaînerait sans transition sur : "quels sont tes vœux, je n'ai pas de temps à perdre."
Bouche bée, je serais plantée dans le décor dénué de charme ou de peinture murale, vide de sens et d'abondance. J'éjecterais les réponses, un peu comme une machine à canon qui bombarde. L'image n'est pas très pacifique et manque cruellement de réalisme, je m'en excuse.
J'ai lâché trois mots : « amour, gloire et beauté ».
Je crois qu'il n'a pas réagi, il m'a juste séché les cheveux, le sèche-cheveux.
Si j'ai raconté cette anecdote sans queue ni tête, certains diront, c'est pour aborder un sujet sérieux : l'âge. Je me suis un peu écartée du principal, c'est pour détendre l'atmosphère délétère.
Allez, je me lance, et ça va pas sentir la rose.
En 2012, j'avais 20 ans, une année d'élection, de contrefaçon, de gros cons. Aujourd'hui, il y a un vent qui souffle, il est extrême. Il est de gauche comme de droite, y a pas à dire, il nous les brise.
Quand on a 20 ans, rien n'est impossible. Enfin, comme dirait Xavier Dolan, l'idole des jeunes : pour rêver, il faut travailler ses rêves, en bref il faut se sortir les doigts du cul.
En l'occurrence, la jeunesse a la tête dans le cul, ou la gueule de bois, chacun son expression, chacun son chagrin.
La politique fait son petit bonhomme de chemin, les hommes sont toujours plus caractériels, et moi je suis à ramasser à la pelle. Je suis gênée, parce que je ne peux plus refaire le monde, quand j'imagine une madame aux cheveux jaunes crier des mots qui sonnent comme des gros mots.
Peu importe si j'ai 20 ou 24 ans, les élections c'est maintenant. Je dirais bien à mon sèche-cheveux : « amour, gloire et beauté pour la France, cher pays de mon enfance ».
Crédit photo : Instagram + Aladdin - le dessin animé