L’homme qui aimait les tomates
Il en faut peu pour être heureux.
Installe-toi sur une chaise d’écolier, sur une table trop basse pour ta voûte dorsale, contemple la nappe fabriquée à base de papier recyclé. Ceci n’est pas une école désaffectée, c’est un lieu sacrément gourmet.
Il y en a qui s’émeuvent, rien qu’à voir la façade de la boutique, sans prétention, pas une once. La nuit, la lumière artificielle réchauffe, elle sert aussi à sublimer patate douce et pointe de crème. Sur un papier carton, taillé en rectangle, le bœuf minute et l’aubergine se ramènent, et cela presque aussi vite que la brioche de mie et de beurre.
Une douceur qui n’en a rien à faire de la cacheroute - fait de manger selon la règle cacher - le respect des rites, a quelque chose de moins mordant.
L’assiette est couverte de tehina, elle coulerait sur nos doigts. On est déjà prêt à les astiquer et à les faire briller. Cet écrasé de sésame, se révèle dans un bain d’huile d’olives, sinon rien. On trempe, nos fragments de pain, comme nos mains. Tout y passe.
Ici, chacun transgresse « le plat à soi ». On partage, sinon on ne touche pas.
Assez patienté, ici, c’est l’un des restaurants de Eyal Shani, chef israélien et pour l’anecdote jury du Master Chef oriental.
L’homme qui aime les tomates. Il les aime tant qu’il les capture, puis les photographie sous tous les angles, pour en faire des clichés – trophée sur Instagram (@eyaltomato).
Elles sont ses poupées.
Poivre et sel, c’est le pigment des mèches qu’il a ajusté sur sa tête. Entourés de ses binocles, ses yeux se baladent ici ou là, à la recherche de la saveur qui nous fera filer droit que l’on soit de Tel Aviv, New York, Vienne ou Paris. Son chou-fleur réussit presque à convertir le monde au sionisme (pour sa recette : cliquez ici).
Rentrez chez lui, vous en sortirez la bedaine éperdue.
Chez Miznon, ça grouille d’affamés, des gens qui pourraient pleurer si la ratatouille ou le bœuf bourguignon le tout enfourné dans une pita, venaient à manquer. Ça, se trouve à Paris et Tel Aviv. D’après le Fooding, c’est une franche régalade, pour une envie de lèche-doigts.
North Abraxas, Beit Romano, Port Saïd* : pas besoin d’être classe pour rentrer, juste réservez votre table et vous pourrez aspirer à renifler la nappe en papier boisé.
Il y a peu de synchronisation dans la distribution des plats, apaisez-vous, il ne vous arrivera aucun mal.
Aimez la salive des uns, car vous y serez confronté. L’individualisme, se perdra. Rien à voir avec le kibboutz.
Le Saloon ou ‘HaSalon’, vous en bouchera un coin. Un espace, niché dans la périphérie de Tel Aviv. Des hangars à tour de bras. Vous tomberez dessus, comme si se perdre était un jeu d’enfants. L’étoile est là, il s’affaire, il donne des sourires, il réapparaît. Le son grimpe, il atteint une intensité qui égosille la corde vocale. On ne parle plus, on danse. Jusqu’à ce que les feux s’éteignent. De nouveau dans le noir, remplis par l’inouï.
*Pas le droit de réserver pour Port Saïd, mais disons que vous aurez de la chance...
Vous êtes intrigué : Il est l’heure d'aller manger. Lire, ça creuse.
+ : Il n'a pas de page Wikipedia. Il est comme ça.
Crédit photo : @eyaltomato - Instagram