Les salles de cinéma, une histoire de cinéma
Voir un film, ce n’est pas seulement apprécier une production du 7ème art, c’est s’engouffrer dans une salle de cinéma. C’est une expérience sensorielle d’une complexité démentielle.
Installer un corps endolori par l’animalité extérieure, dans un fauteuil rouge flamboyant, c’est intense.
La couleur ne laisse pas indifférent, pourquoi un tel parti-pris ? Le rouge c’est la catharsis, elle émancipe l’homme spectateur de ses démangeaisons passionnelles et destructrices.
L’agencement d’une salle de cinéma c’est rendre hommage au spectateur, celui qui est aspiré par la pénombre : L’homme de l’ombre. Il est mis en valeur par l’esthétique d’une salle en émoi. L’ingénieux design du siège ravit le fessier, qui prétend s’installer dans un mousseux nuage. La salle de cinéma conçoit l’évaporation du moi au profit d’un collectif impatient.
Le noir, une non- couleur, qui aspire à faire réfléchir. Plonger dans le noir, je ne peux plus rien voir. Je suis livrée à mes sens les plus juvéniles. Je délaisse la méfiance d’une société ultra-névrosée et je contemple l’absurdité. L’absurdité, c’est l’homme qui envisage la détente décomplexée. Le noir, c’est abolir la référence au réel. C’est donner la nuit alors qu’il fait jour. Comment l’homme s’adapte à un milieu hostile à l’apparition du soleil ? L’homme s’oublie.
Au cinéma, les amoureux s’embrassent, et la vie est jolie ou pas. Le cinéma c’est un lieu inexorablement romantique. Il crée un esprit tamisé lié à la luminosité. L’émotivité est exacerbée, les passions déchaînées.
La salle de cinéma, c’est la vie en société. C’est évoluer dans un espace commun, partager une image visuelle et recevoir une émotion inconditionnelle. C’est l’altruisme capitaliste : payer pour être ensemble. C’est la cohésion sociale en pleine action.
La salle de cinéma, c’est un environnement propice à l’évanouissement des sens. C’est savourer une gourmandise américanisée et trop sucrée : le pop-corn et mâcher en symbiose avec la voix de l’écran.
La salle de cinéma, c’est la facilité. C’est se laisser dévorer par une vie qui n’est pas la sienne.
La salle de cinéma, c’est compléter une œuvre partielle. C’est donner corps à une œuvre démembrée. C’est garantir une diffusion publique à partir d’un certain prix. C’est glorifier le principe d’universalité à tout prix.
La salle de cinéma c’est culturellement vivifiant.
La première fois, que la salle de cinéma a révolutionné la vie en société, pour plus d’amour, pour plus d’évocation des sens, pour plus d’inconscience c’était en 1895, en France et en 1896 aux Etats-Unis.
Vous êtes intrigué : vous aussi, tentez votre chance, faîtes l'expérience, allez au cinéma.
+ : Pour le choix du film, Miss Sloane, vous m'en direz des nouvelles
Crédit photo : Simu Leoni - le film